Réparer, c’est ne pas oublier


Edito

Ecrit par Pascal Béria

Il y a tout juste 4 ans, le 15 avril 2019, Notre-Dame brulait, provoquant des dégâts irrémédiables à sa structure. Après la sidération est rapidement venu le temps des débats liés à sa reconstruction. Les uns voyant dans cette catastrophe une occasion d’illustrer la modernité architecturale. Les autres la nécessité de prolonger l’œuvre sans la pervertir. Parmi ces voix, celle de l’architecte Jean Nouvel a peut-être pesé plus que les autres. « Il s’agit simplement de la réparer pour mieux la perpétuer » a-t-il déclaré dans une tribune du quotidien Le Monde. La décision sera donc prise par l’Elysée de réparer la cathédrale « à l’identique ».

Mais que signifie vouloir réparer une dame âgée de presque 900 ans « à l’identique » ? Cela a-t-il seulement un sens alors même que la plupart des savoir-faire et des carrières se sont taris depuis longtemps ? Est-ce une marque de « manque d’audace », comme cela a pu être reproché ou bien un appel à la raison ? Plus largement, qu’est-ce que cela peut nous apprendre sur notre capacité à réparer ?

La réparation a ceci de particulier qu’elle ne permet pas un retour à l’état initial. Elle s’y substitue. Une fracture peut se solidifier. Elle n’en demeure pas moins un point de vulnérabilité visible au scanner. Que ce soit un écosystème, un corps, un traumatisme, un système politique, un préjudice ou un édifice multiséculaire, réparer revient, d’une certaine manière, à altérer. Parfois même corrompre. Il y a par conséquent toujours une forme de dette à la réparation.

Chercher à réparer « à l’identique » est donc un leurre, qui prend même le risque de la dissimulation. « Notre modernité, c’est aussi ne pas recommencer à oublier » insiste Jean Nouvel dans sa Tribune. Une précision importante. Réparer, c’est perpétrer un devoir de mémoire qui s’inscrit dans le temps. Les stigmates et les ajouts font partie intégrante d’une histoire. Et la flèche reconstruite promise pour l’année 2023 est là pour témoigner que les travaux menés par Viollet-le-Duc au XIXe siècle font aussi partie de la longue existence de la cathédrale.

Réparer, c’est avant tout ne pas oublier. Nous aurons l’occasion d’en discuter avec le truculent Jean-Louis Georgelin, en charge précisément de la reconstruction de la cathédrale. Il viendra nous apporter son point de vue lors de notre prochain sommet de La Baule. On risque d’être surpris…