Sky is (not) the limit


Edito
sky no limit

Écrit par Pascal Béria.

Voici donc une vingtaine de jours que nous avons fermé les portes de notre sommet Napoleonien… On a beau désormais y être habitués, on a toujours le sentiment d’abandonner quelque chose à l’issue de chacun de nos sommets. Un comble quand on a l’ambition d’aborder le thème « Gagner ». Nous étions 650 Napoleons, dont la moitié de nouveaux visages, réunis sous l’égide de l’Unesco pour ce nouveau format parisien. Paris gagné dans tous les sens du terme. 

Que l’on parle de conquête spatiale, de technologie, d’économie, de stratégie militaire, de démarche artistique, d’information ou de compétition sportive, « Gagner » nous est apparu comme un thème bien plus équivoque que ce que la figure brillante du vainqueur veut généralement nous laisser croire. La preuve : la plupart des intervenants ont abordé le sujet sous l’angle de… l’échec. Une situation apparue plus confortable que la posture du gagnant, toujours âpre à défendre. Gagner pose visiblement problème. « L’important, c’est de perdre au bon moment » a rappelé le triple médaillé d’or Tony Estanguet qui s’y connait pourtant en victoires. « Il faut échouer mieux » répondait en écho le philosophe Charles Pépin. 

Le statut de gagnant serait-il donc si lourd à porter qu’on lui préfère souvent l’échec ? « L’idéologie dominante est de gagner à titre individuel. C’est peut-être ça le problème » précisait l’historien Benjamin Stora, qui regrette avec d’autres la disparition des récits collectifs, plus aptes à porter un projet de société soutenable. Gagner est souvent apparu, lors des discussions, comme un dogme individualiste de la modernité. Et une raison de nos déboires…

Pour autant, l’envie de gagner est aussi apparue comme un moteur universel qui échappe à toute tentative d’entendement. Une pulsion qui est le fruit d’un processus chimique de notre cerveau, comme l’a rappelé la psychologue et chercheuse en neuroscience, Fanny Nusbaum. Difficile d’échapper à une telle emprise. Que ce soit en matière de conquête de l’espace, de territoires, du pouvoir, de nouveaux marchés ou de l’intelligence artificielle, les témoignages nous ont montré à quel point cette mécanique implacable est à l’origine de notre besoin de repousser les frontières, de nous surpasser. Jusqu’à nous submerger. Avec une question restée en partie sans réponse : jusqu’où ? 

Un autre thème est donc venu s’inviter durant ces deux jours. Un thème tout aussi passionnant et terriblement actuel. Celui des limites. D’abord parce que, si gagner peut se révéler être un moteur de la société, cela ne peut se faire indéfiniment dans un monde qui, précisément, présente ses propres limites physiques. Ensuite parce que, comme l’a rappelé Florian Mussard, le vice-Président de l’éditeur de jeu Ubisoft, les limites sont les conditions d’attractivité d’un jeu. Gagner sans règle du jeu ne présente pas un grand plaisir. On en revient aux mécaniques de notre cerveau qui, décidément, gouverne le monde. 

« Les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel » ont semblé dire en chœur nos speakers. Le Président du Palais de Tokyo, Guillaume Desanges, allant même jusqu’à évoquer le « triomphe de la limite ». C’est un changement de paradigme. La fin du mythe du progrès qui exige désormais de choisir ses combats. « Se résigner ou combattre » proposait Charles Pepin. Et surtout accepter qu’on ne puisse gagner indéfiniment et sur tous les terrains. Ce sont des questions complexes, qui convoquent le droit, la règlementation, l’éthique, l’innovation, les relations sociales ou l’écologie. Mais des questions tellement essentielles que nous devrions rapidement avoir à vous en reparler, que ce soit lors d’un de nos événements communautaires parisiens ou de notre prochain sommet, qui se tiendra exceptionnellement au mois de septembre. Année olympique oblige. 

Vous venez ?